Il y a des jours comme ça où je me demande ce que j'ai fait pendant mon enfance.
Oui, des jours comme ça où on apprend que certains gestes auxquels on ne prête pas attention, qu'on fait parfois machinalement, sont parfois détenteur d'un sens caché connu de tous vos pairs... mais pas de vous.
Des jours comme ça où on se dit "
c'est pas possible, mais j'étais où moi quand ça a été convenu cette connerie ?"
Des jours comme ça où on se dit que le temps passe à une vitesse fulgurante.
*
*
*
Aujourd'hui, après avoir travaillé un certain temps, j'avais besoin d'une pause.
Et que fait Camille quand elle a un peu de temps pour elle ?
Depuis quelques temps maintenant, elle lit.
La lecture, c'est loin d'être un talent inné chez moi. Je suis sûre que ma mère s'en souvient. Elle a tout fait pour essayer de m'apprendre à lire.
Pendant les vacances d'été. Non mais ça va pas la tête ?! Elle s'y est cassé les dents d'ailleurs. Car, c'était vrai à l'époque, et ça l'est toujours : quand Camille ne veut pas, Camille ne fait pas.
Et oui, Camille a un caractère de merde ^^
J'ai toujours préféré qu'on me parle. Qu'on m'enseigne les choses, par la voix. Aujourd'hui encore, je ne suis pas une grosse lectrice. Mais je pense que c'est comme tout. Je lis peu, mais je lis avec passion.
J'ai toujours aimé les cours de français, puis de littérature. Mais pas plus que ça. J'aimais ça comme je pouvais aimer beaucoup d'autres matières. J'ai toujours beaucoup aimé l'école. J'aime toujours beaucoup l'école.
Mais je crois que mon attirance pour la littérature a vraiment commencé à partir de la terminale. En fait, bizarrement, ce n'était pas grâce au cours de lettres (même si j'aimais bien ça), mais grâce au cours de philo. Au cours de Grec aussi, peut-être. En fait c'est grâce aux profs de philo et de Grec, qui m'ont peut-être ouvert des portes que je n'avais jamais remarquées.
Et ça s'est vraiment confirmé à mon entrée à la fac, avec John.
*
*
*
Aujourd'hui donc, après avoir travaillé, j'ai voulu me prendre quelques instants, pour lire un peu.
Et j'ai attrapé
Le Petit Prince, dans la bibliothèque.
Et là, c'est le moment où tout le monde va se dire "
cette fille, c'est une vraie arnaque".
Oui, parce que ce que je n'ai pas encore dit, c'est que c'est la première fois que je le lisais.
Et oui.
J'ai dix-neuf ans passé, et c'est la première fois que je lisais
Le Petit Prince. Ce grand classique de la littérature française que tout le monde a lu en primaire. Que tout le monde connaît.
Mieux vaut tard que jamais. (Allez Gaëlle, tu peux le faire... ^^)
Au final, ça ne me donne pas plus de complexe que ça. J'ai appris pas plus tard qu'il y a quelques jours grâce à un test qu'on fait faire aux étudiants en IUFM, paraît-il, que j'étais hors normes.
Il faut croire que j'ai une vitesse de maturation différente de celle du commun des mortels. ^^
La vérité, c'est qu'il faut que je lise un livre au moins deux fois pour vraiment l'intégrer. Et que certains livres que je disais connaître, pour les avoir lus au collège, se sont avérés de véritables étrangers. Parce que, s'il m'arrive de les relire maintenant, je me rend compte que je n'avais ou rien compris, ou rien pris à la bonne mesure.
Je n'ai déjà pas une immense culture, s'il faut que je reprenne tout à zéro !
Du
Petit Prince, je ne connaissais que le fameux "
S'il vous plaît... dessine-moi un mouton..." et un ou deux extraits, comme ça.
Et il y en a un notamment, que j'aime beaucoup, et que je vais me permettre de recopier. Il est un peu long, mais c'est parce qu'il faudrait presque que je recopie tout le livre. Difficile de réussir à s'arrêter.
XXI
C'est alors qu'apparut le renard.
-Bonjour, dit le renard.
-Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
-Je suis là, dit la voix, sous le pommier.
-Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
-Je suis un renard, dit le renard.
-Viens jouer avec moi, lui propose le petit prince. Je suis tellement triste...
-Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
-Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais après réflexion, il ajouta :
-Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
-Tu n'es pas d'ici, dit le renard. Que cherches-tu ?
-Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
-Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
-Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
-C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie "créer des liens..."
-Créer des liens ?
-Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serais pour toi unique au monde...
-Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
-C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...
-Oh ! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.
Le renard parut très intrigué :
-Sur une autre planète ?
-Oui.
-Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
-Non.
-Ca, c'est intéressant ! Et des poules ?
-Non.
-Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
-Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
-S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.
-Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
-On ne connaît que les choses qu'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
-Que faut-il faire ? dit le petit prince.
-Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil, et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
-Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai ; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur... Il faut des rites.
-Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
-C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances.
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
-Ah ! dit le renard... Je pleurerai.
-C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
-Bien sûr, dit le renard.
-Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
-Bien sûr, dit le renard.
-Alors tu n'y gagnes rien !
-J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
-Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.
Le petit prince s'en fut revoir les roses.
-Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient gênées.
-Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.
Et il revint vers le renard :
-Adieu, dit-il...
-Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
-L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
-C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
-C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
-Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
-Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir.
Au final j'ai recopié tout le chapitre ^^
Mais j'ai beau retourner la chose, il n'y a pas un mot que je jetterais là-dedans.
J'ai mis quelques passages en gras, qui me semblent les plus forts, mais sans les autres ils ne sont rien.
Le vrai est le tout.
Qu'est-ce qu'un ami ? Qu'est-ce que l'amitié ?
Créer des liens. Apprivoiser. S'apprivoiser. Il est important, le réflexif. Cette réciprocité qui fait tout,
sine qua non.
Aujourd'hui plus que jamais, l'amitié tient une place primordiale dans ma vie. Car, comme pour le renard, elle me semble parfois bien monotone.
Je garde tout un tas d'objets. J'ai des photos un peu partout dans ma chambre. des cartes, des souvenirs...
Tout, absolument tout peut me faire penser à mes amis. De la même façon que, tous les jours depuis quelques semaines, je me débrouille à tomber sur quelque chose qui m'évoque la ville de Bordeaux, il se passe difficilement une seconde sans que quelque chose me rappelle l'un de vous. Vous tous même. Parfois même je passe pour une folle. Ou plutôt pour une originale, comme disent les gens bien élevés...
Mais ça m'est égal.
Je vous retrouve dans tout. C'est un genre de panthéisme en fait.
Et souvent vous vous en rendez compte d'ailleurs, parce que je vous le dis.
Mon mode d'expression privilégié dans ces cas-là ? Le
SMS ^^ Le SMS bien débile, même qu'on se demande ce qu'il me passe par la tête pour l'envoyer.
J'avoue, c'est un de mes défauts parmi tant d'autres : je suis un peu (beaucoup, passionnément, à la folie...) collante.
Mais c'est pas ma faute, aussi. C'est la faute du monde.
Ce monde qui fait qu'on ne sait plus que dire ce qui ne nous convient pas, et qu'on ne relève jamais ce qui nous plaît. Ce monde qui fait que pour peu que vous étaliez un peu vos sentiments, vous vous placez du même coup dans une position de vulnérabilité.
J'aime rappeler aux gens que j'aime, que je les aime. Même si je ne le dis pas toujours ouvertement. J'essaye de le faire comprendre. Et j'espère y réussir.
Alors il y en a certains qui doivent se dire, au bout d'un moment "
c'est bon, on a compris, lache-nous !"
C'est que je sais tellement à quel point rien n'est acquis.Que ça m'en fait souvent peur.
J'ai besoin de réactiver ces sentiments. Pas ceux que je ressens. Mais celui que vous ressentez peut-être, de plaisir ? de sécurité ? quand je me manifeste.
Parce qu'on ne sait jamais, s'il se lèvera demain ou non. Le soleil.
On commence à le savoir, ma dernière histoire d'amour s'est mal terminée. Ce fameux mercredi où je me suis entendue dire "
j'ai plus de sentiments pour toi", textuellement.
Dans l'absolu, rien d'original. Ca arrive à tout le monde, tout le temps. Et puis, ce genre de choses, ça se sent arriver. On ne se réveille pas, un beau matin, en se rendant compte que tout a disparu... Ben il faut croire que c'est le cas, pour certains.
Parce que si ça n'est jamais très agréable d'être celle qu'on laisse sur place, ça l'est encore moins quand on n'a rien vu venir.
Bah ouais, mais ma pauvre fille, si tu te voiles la face... En même temps, comment aurais-je pu le voir venir, quand pas plus tard que le dimanche précédent, trois jours avant donc, je m'étais entendue dire "
qu'il ne s'approche pas trop de toi. Je ne suis pas prêt de céder ma place :o)".
C'est quelque chose d'étrange, les sentiments. Et même si je n'y connais pas grand chose, j'ai du mal à concevoir qu'en l'espace de trois jours, on puisse passer aussi radicalement d'un état à l'autre, surtout quand aucun élément perturbateur n'est venu s'insinuer dans l'intervalle...
Mais on parlait d'amitié là, non ?
C'est que, voyez-vous, la frontière - si frontière il y a - est tellement mince...
Ce petit écart, j'en avais besoin. Parce que même si ça n'est pas le seul, l'unique, c'est un des événements qui m'a fait prendre conscience d'à quel point rien n'était jamais acquis. Qu'il fallait se battre, oui, se battre, pour préserver ce qu'on aime.
Car une fois qu'on l'a apprivoisé, ce renard, ce serait dommage de le laisser mourir de faim.
Et là, peut-être que je m'autoriserais à corriger St Ex. Parce que pour moi, ça n'est pas du temps perdu, le temps qu'on consacre à ses amis. Même si, tôt ou tard, il faut partir.
-Alors tu n'y gagnes rien ! -J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. *
Depuis quelques temps, je n'arrête pas. De dire que je tourne en rond sur ce blog. Pas que ça me dérange, vu que j'y déverse le trop plein de mes émotions. Mais je me dis que parfois pour d'autres, ça doit être rébarbatif. Parce que je dis tout le temps la même chose.
Parce que mes histoires sont partagées, grosso modo, entre deux leitmotivs.
Je me sens seule, aimez-moi. Mes amis, je vous aime. Je dis ça tout le temps. De plein de façons différentes, mais c'est toujours la même chose. Mais peut-être n'est-ce pas plus mal. Peut-être que comme ça, ça finira par rentrer ^^ Et puis aussi, je le disais pas trop loin plus haut, j'ai besoin de le redire. Encore et encore. Parce que si moi je ne peux jamais être sûre de rien, à tel point que ça m'angoisse, et bien j'ai envie de faire ce que je peux pour vous en préserver, de ces angoisses, vous que j'aime.
J'espère que ça marche.
*
Un très beau texte,
Le Petit Prince.
Je m'adresse une dernière fois à vous, dans ce post du moins, vous que j'aime.
Si vous passez par là en coup de vent, que vous n'avez pas vraiment le temps de vous attarder sur ce post encore bien long pondu par l'autre petite là, alors repassez. Mais lisez-le. Pas forcément le post dans son intégralité, mais lisez au moins ce passage du
Petit Prince.
Imprimez-le, localisez-le dans votre exemplaire qui traîne dans la bibliothèque, oublié depuis le temps de l'école primaire. Et lisez-le. Parce qu'il en vaut vraiment le coup.
Pensez à vos amis en le lisant. Et à moi peut-être, qui sait...